La grille matière du primaire expliquée aux parents
(la musique mise de côté)
L’adoption de la grille matière est une étape importante qui a une influence directe sur le parcours scolaire de l’enfant, surtout au primaire. Malheureusement, les parents en connaissent peu le fonctionnement.
Février. L’équipe-école d’une école primaire se penche sur la grille matière pour la prochaine année scolaire. Combien de périodes d’anglais, d’arts, d’éducation physique souhaitons-nous pour le développement de nos enfants ? L’équipe discute, les spécialistes défendent leur matière. On en vient à un consensus (ou pas) et soumettons le projet de grille-matière au Conseil d’Établissement (ou Conseil Scolaire), car c’est là que cette grille sera adoptée.
Le Conseil d’Établissement est composé de membres de l’équipe scolaire ainsi que de parents d’élèves. De parents ? Bien sûr, mais plusieurs ne le savent pas. Donc, en tant que parent, ai-je un certain pouvoir de décision sur les choix pour l’école de mon enfant ? OUI !
Qu’en est-il du cours de musique dans la grille matière nos écoles ?
Encore aujourd’hui, en 2021, la musique s’est fait écartée de la grille matière de plusieurs écoles au Québec. Diminution de périodes ou même retrait au profit d’un autre art (souvent la danse ou l’art dramatique). L’enseignant-e de musique a peu de pouvoir sur ce choix et cette situation devient souvent stressante, car ce choix aura une incidence directe sur sa tâche de l’année suivante. La seule chose que l’on puisse faire (comme prof de musique), c’est de défendre sa matière du mieux que l’on peut auprès de ses collègues et même auprès du Conseil d’Établissement.
Les arguments évoqués pour la diminution de la musique dans nos écoles
Les enfants ont besoin de bouger
Cet argument est souvent évoqué lors de la présentation de la grille-matière. Cela démontre malheureusement la méconnaissance du dynamisme d’une classe de musique. Les élèves y sont la plupart du temps en mouvement et en action, surtout chez les plus jeunes. Danse, rythme et instruments de musique sont au coeur du développement moteur et de la coordination.
Pourquoi se fier exclusivement aux cours d’éducation physique pour faire bouger les enfants ? Ils ont déjà beaucoup d’occasion de le faire dans une journée (ex.: récréations, dîner, à la maison, etc)
Nous voulons plus de cours d’anglais
En 5e et 6e année, il est plus facile de justifier la demande de plus de périodes d’anglais, car ils ont un programme à préparer afin d’être prêts pour le secondaire. C’est aussi bénéfique chez les plus jeunes, mais les premières années scolaires sont déjà lourdes académiquement; le cours de musique devient en quelque sorte une soupape permettant une pause au cerveau de l’enfant en lui faisant travailler d’autres sphères de son développement. Il est prouvé scientifiquement que l’apprentissage de la musique en bas âge prépare le cerveau, neurologiquement, à apprendre plus facilement d’autres langues plus tard.
Attention : tabou…
Cette situation est très malaisante, mais elle existe malheureusement dans certaines écoles. Par contre, les gens à l’extérieur de l’établissement n’en sauront jamais rien, car une loi non-écrite nous interdit d’en parler.
La diminution ou même le retrait du cours de musique au profit d’un autre art permet parfois de « tasser » un-e enseignant-e qui rencontrerait des problèmes de gestion de classe, par exemple. Dans ce cas-ci, ce n’est pas l’enfant qui est au cœur de cette décision, mais la bonne entente entre collègues. Même moi qui écrit ces lignes n’ose pas m’attarder sur ce sujet délicat et épineux, qui interpellera sans doute plusieurs collègues…
Les conséquences de ce choix de grille-matière
La diminution de fréquence des cours de musique
Nous le savons tous, plus nous avons l’occasion de s’exercer dans un domaine, plus rapidement nos habiletés se développent. En espaçant les cours de musique, cela ralentit la progression des élèves, car il faut constamment revoir les notions oubliées depuis le dernier cours. Les apprentissages passent en mode « tortue ».
Bulletins erronés
Comme dans toutes les autres matières, les compétences développées en musique se doivent d’être évaluées deux à trois fois par année (selon les écoles). Avec peu de périodes de musique, les notions ne sont souvent qu’effleurées et les compétences ne peuvent être développées adéquatement. Souvent, le programme de l’année doit être condensé, voire coupé. Les évaluations ne deviennent qu’un aperçu, un survol du rendement potentiel de l’enfant. Et ça, c’est si les cours n’ont pas été interrompus ou reportés par un exercice d’incendie, un congé de tempête ou une activité-école, par exemple.
La fragmentation de la tâche de l’enseignant(e)
L’enseignant(e) de musique qui voit sa tâche diminuer dans une école verra sa tâche augmenter au final. Car il faudra lui ajouter une (ou plusieurs) autre(s) école(s) afin de combler les minutes perdues. Augmentation du nombre d’élèves, ajout de déplacements d’une école à l’autre (souvent dans une même journée), diminution du budget alloué à la classe (à moins qu’il ne soit déjà absent), impossibilité d’offrir des activités parascolaires ou un concert de fin d’année dans certaines écoles, etc.
Saviez-vous que rares sont les spécialistes de musique au primaire qui enseignent dans une seule même école ? La moyenne d’entre eux se partagent dans trois écoles, et certains parfois même dans cinq ! Malheureusement, cette dilution de la tâche occasionne souvent une dilution de l’efficacité de l’enseignant-e malgré lui (elle), ce qui mène parfois à l’épuisement professionnel ou même au décrochage (ou à la situation « tabou » mentionnée à la section précédente)
Y a t’il une solution ?
L’idéal serait que le nombre de minutes de spécialités soient réparties équitablement entre les matières. Que ce soit directement prescrit par le Ministre de l’éducation. Mais comme les choses dans ce domaine évoluent à train d’escargot, ce n’est pas demain la veille que nous verrons ce changement.
Quelles sont nos options ? En fait, chers parents, vous pouvez grandement contribuer à l’amélioration de la situation. En vous informant, posant des questions, démontrant votre intérêt à vous impliquer. En devenant membre du Conseil d’Établissement pour avoir droit de vote aux décisions de l’école de votre enfant. Vous ne pouvez pas devenir membre du Conseil pour une raison ou une autre ? La séance du Conseil est publique, vous pouvez demander à assister à une réunion et profiter de la période de questions pour faire part de vos inquiétudes et apporter vos propositions.
Car contrairement à ce que tout le monde croit, l’école n’est pas toujours un milieu clos où les décisions ne se prennent qu’à l’interne. En ce qui concerne l’épanouissement de vos enfants à l’école, vous pouvez faire une différence !
Par curiosité, cherchez « grille matière primaire » sur Google, vous pourrez consulter les grilles de plusieurs écoles primaire au Québec. Vous constaterez le débalancement des périodes d’anglais-arts-éducation physique…
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