La gestion de la classe de musique au primaire
On le sait tous, en tant qu’éducateur-trice et enseignant-e, la gestion de notre groupe c’est le nerf de la guerre. C’est un challenge quotidien, c’est ce qui nous permet de mener nos cocos à bon port sur le chemin de leur développement et de leurs apprentissages.
En toute transparence, ce n’est pas une tâche facile, surtout avec nos groupes nombreux et nos élèves à défis. Aussi, malgré la formation reçue dans notre technique ou programme d’études, nous ne nous sentons pas outillé-e-s en début de carrière. Comme nous sommes seul-e-s devant notre classe, il nous faut souvent passer par une longue période d’essais et erreurs avant de ressentir véritablement une assurance dans notre gestion.
J’ai acquis mon expérience personnelle en gestion de classe alors que j’étais spécialiste de musique dans plusieurs écoles de mon centre de service. Il me fait plaisir de vous partager mes réflexions et quelques trucs à cet effet. Par contre, n’hésitez pas à vous référer à des collègues, votre direction, le personnel de soutien ou votre conseiller-ère pédagogique pour la mise en place de stratégies adaptées à votre milieu.
- Le lien
- Bien cadré, mais flexible
- Planifier les temps morts
- La proximité
- Pratico-pratique
- Les cartes privilèges
- Un trou dans le cœur
Le lien
Pour que nos tout-petits aient envie de nous suivre dans nos propositions et nos projets, il faut au préalable qu’un lien de confiance soit établi avec chacun d’entre eux. Un défi de taille, surtout si vous êtes dans une nouvelle école et que vos cours avec vos élèves sont peu fréquents.
Vous pouvez débuter en imprimant les listes de vos groupes, idéalement avec les photos, pour ainsi commencer à apprendre leurs noms le plus rapidement possible. Il est beaucoup plus difficile d’intervenir auprès d’un élève lorsqu’on ne sait pas son nom ; il-elle aura tendance de prime abord à ne pas s’impliquer dans la discussion, voire vous ignorer. Vous l’expérimenterez sans doute lors d’une surveillance d’autobus ou de récréation avec des élèves à qui vous n’enseignez pas !
Une autre idée pour construire ce lien est de passer du temps le plus souvent possible avec eux. Par contre, votre horaire ne le permettra pas toujours. Durant vos périodes libres, tout dépendant si votre planif le permet, vous pouvez demander au titulaire si vous pouvez venir passer un moment dans sa classe, pour avoir l’occasion de côtoyer les élèves en dehors de votre cours. Un tout petit moment pour dire bonjour, donner un coup de main lors d’ateliers ou accompagner un enfant lors de la période de lecture. Cela vous donnera l’occasion d’observer les enfants dans un autre contexte et ainsi mieux les connaître.
Participer aux activités et sorties scolaires est une autre astuce pour apprendre à connaître vos élèves. S’asseoir avec eux dans l’autobus pour discuter, les accompagner durant l’activité ; tout cela contribue à passer du temps de qualité avec eux.
Si votre tâche le permet, organisez une activité parascolaire, si possible avec des enfants de différents âges. Cela vous permettra de les voir plus fréquemment et de développer une belle relation avec eux. C’est souvent une belle occasion d’aller chercher les cocos et cocottes avec qui le lien est plus lent ou périlleux à construire.
Au « day to day », donnez de petites tâches à faire à vos petits : distribuer les feuilles, le matériel, fermer les lumières, etc. Les enfants sentiront que vous leur faites confiance. Une belle opportunité pour cibler celle ou celui avec qui c’est un peu plus difficile.
2. Bien cadré, mais flexible
Dès les débuts, établissez vos règles de classe et déterminez comment vous interviendrez si un élève a du mal à respecter l’une d’elles. Des affiches seront utiles pour s’y référer. Expliquez aux élèves votre fonctionnement : il ne faut pas qu’il y ait de surprises. Prenez soin de grader vos interventions et d’appliquer le plus possible votre démarche sans sauter d’étapes.
Exemple : « Si tu oublies la règle :
1 – Je te fais un rappel
2 – Je te fais un avertissement
3 – Tu es retiré du jeu (ou retrait de ton instrument) pour un moment
4 – Tu t’installes à un travail écrit »
Les enfants se plaisent dans une routine et des balises claires. Vous pourriez structurer votre cours selon un gabarit semblable d’un cours à l’autre. Ils ont moins tendance à se désorganiser lorsqu’ils savent à quoi s’attendre.
Exemple :
1re partie du cours : jeux de mouvements
2e partie : théorie – notions
3e partie : instruments
Sans tout prévoir à la seconde près, planifiez vos cours afin que votre enseignement soit le plus fluide possible. Si vous vous cherchez dans vos feuilles ou si vous hésitez trop souvent, vous remarquerez que les petits insécures commenceront à s’agiter. Le bavardage s’intensifiera et vous devrez prendre un moment de retour au calme avant de poursuivre.
Prévoyez un plan B, au cas où votre activité aurait moins de succès que vous l’imaginiez. Soit vous adaptez ou modifiez en cours de route, soit vous changez complètement de direction. Rien ne sert de s’acharner, cela peut inutilement compliquer les choses.
Il est très certainement plus sécurisant pour nous en tant qu’enseignant-e de bien structurer ses cours et d’essayer de tout prévoir. Or, surviennent parfois des imprévus et il faut savoir s’adapter en cours de route. Car de s’entêter à vouloir poursuivre à tout prix dans la voie que nous avions prédéterminé peut parfois contribuer à désorganiser notre groupe. Soyons déterminé, mais flexible !
3. Planifier les temps-morts
Les moments de transitions peuvent devenir des failles dans notre gestion de classe. De précieuses minutes d’enseignement peuvent s’envoler par manque de prévoyance à cet effet.
Trouvez des tâches à donner aux élèves, mettez-les à contribution lors de la distribution du matériel. Ciblez un exercice à réviser ou un morceau à pratiquer en mode « muet » lors d’une transition.
Si les élèves ne sont pas occupés, ils commenceront à bavarder entre eux, les plus fragiles commenceront à s’agiter et le bruit ambiant montera en crescendo. Si vous avez conscience de cette tendance naturelle qu’ont les enfants à occuper rapidement les « espaces vides », vous pourrez mieux contrer ce phénomène.
4. La proximité
Un-e élève plus fragile au niveau du comportement a besoin d’être sécurisé-e pour déployer son plein potentiel. Le-la placer près de soi physiquement dans la classe peut être un moyen intéressant pour valoriser une participation positive de sa part. Cela vous permettra aussi de pouvoir intervenir plus discrètement en cas d’égarement.
Circuler dans la classe durant votre enseignement permet aussi de maintenir l’attention de vos élèves. Vous en profitez pour vous diriger vers vos plus fébriles et vous arrêter près d’eux quelques instants ; votre présence près de leur bulle contribuera à les apaiser.
Si vous planifiez des ateliers ou des jeux d’équipes, les élèves plus facilement distraits peuvent se placer avec des élèves plus autonomes ; cela contribuera à favoriser une meilleure participation.
5. Pratico-pratique
Quelques astuces en vrac pour avoir plus d’une corde à son arc au niveau de la gestion des comportements :
- Avoir un chant pour les transitions
- Avoir une activité « occupationnelle » imprimée et prête à distribuer au besoin (ex.: un-e élève se désorganise et vous êtes monopolisé-e pour vous en occuper un instant; faites distribuer un mot mystère par des élèves pour occuper le groupe)
- Si une consigne est lente à être respectée par un coco ou une cocotte, comptez jusqu’à trois pour l’inciter à faire le bon choix
- Inculquez un geste pour obtenir le silence (ex.: un doigt sur la bouche et l’autre main levée ; les baguettes de xylo dans les airs, etc.)
- Obtenir l’attention avec un cri de ralliement ou un rythme d’appel
- Félicitez et remerciez les bons comportements, ce qui incitera les pairs à faire de même
- Après quelques cours, si un enfant tarde à se conformer à vos règles de classe, communiquez avec ses parents afin de les aviser de la situation
- Établissez un plan de match avec l’élève concerné en le rencontrant seul à seul. Demandez -lui ce qui le dérange et comment vous pouvez l’aider. Impliquez-le dans le processus. Planifiez-lui une feuille de route avec un objectif réaliste suivi d’une récompense (ex.: Après deux cours lesquels je n’aurai pas eu besoin de te retirer ton instrument, tu auras le privilège d’aller jouer du piano vers la fin du cours)
6. Les cartes-privilèges
Je vous partage un système de récompense que j’avais mis en place auprès de mes élèves qui était très apprécié. Ce système a même contribué à susciter la motivation et la participation positive d’élèves en difficulté.
Il s’agit de recevoir les élèves méritants en classe de musique selon un horaire prédéterminé afin de leur permettre de leur donner accès libre et complet à tous les instruments de musique.
Les moments étaient prédéterminés d’avance : durant une récréation, vers la fin d’un dîner et parfois au début d’une de mes périodes libres, en accord avec le-la titulaire.
Et donc, afin de souligner l’attitude et la participation positive des élèves, j’attribuais une carte-privilège à la fin du cours. Ce système a grandement contribué à motiver les élèves moins impliqués. Parfois les élèves se motivaient entre eux dans le but d’obtenir chacun une carte de façon rapprochée, afin de pouvoir venir en profiter en même temps.
J’utilisais aussi ce système auprès des enfants avec des défis, ceux avec qui j’avais établi un système d’émulation pour les encadrer. La joie et la fierté qu’ils avaient lorsqu’ils venaient profiter des instruments ! Nous parlions plus haut de bâtir le lien de confiance : cette méthode contribuait grandement à établir une belle relation avec eux. Même que de concert avec certains titulaires qui rencontraient des défis avec certains cocos, je remettais des cartes privilèges à ceux-ci afin qu’ils puissent les redistribuer, sachant que cela aurait un effet motivateur chez certains de leurs élèves à défis.
Les élèves qui se présentaient à ma classe pouvaient provenir de tous les niveaux. C’était intéressant de voir l’interaction entre les petits et les grands. Naturellement, la musique devenait leur point commun et ils jouaient souvent ensemble. Cette connexion avait très certainement un impact positif sur leur sentiment d’appartenance à l’école.
Une variante qui était très prisée par mes plus vieux était la carte mini-prof. En accord avec le-la titulaire, l’élève venait passer une période (ou une partie) avec moi dans ma classe durant le cours d’un groupe de plus jeunes. Il-elle m’assistait dans mes tâches et mon enseignement, participait aux jeux et s’il-elle n’était pas trop timide, leur jouait un morceau appris à la flûte ou à la guitare. Encore une fois, le fait de venir passer un moment exclusif agissait sur l’estime de soi et était vraiment gagnant au niveau du lien de confiance.
Vous pouvez télécharger ici un modèle de cartes privilèges en format Word que vous pourrez adapter à vos besoins. Si vous avez des questions à cet effet, n’hésitez pas à m’en faire part au [email protected]
Modèle de carte-privilègse à télécharger
7. Un trou dans le cœur
Vous passerez beaucoup de temps à peaufiner vos méthodes pour faciliter votre gestion et bâtir une belle relation avec vos élèves. Par contre, il faut être conscient qu’avec quelques uns, le parcours sera plus rocailleux. Même qu’il est possible que vous ne puissiez pas établir de lien avec certains. Ils pourraient vous faire vivre des hauts et des bas et demander plus d’attention.
Le danger dans tout cela est de le prendre personnel. De croire que l’on n’est pas compétent-e.
Souvent, ces enfants rencontrent des difficultés au niveau relationnel avec les autres intervenants de l’école. Ils ont peut-être un trouble de l’attachement ou un trouble d’opposition. Ils ont des soucis dans leur vie d’enfant qui les rend indisponibles aux relations sociales et aux apprentissages. Ces trous qu’ils ont dans leur cœur, on ne peut malheureusement pas les combler.
Le mieux que l’on puisse faire est de favoriser un milieu sécurisant en étant constant et prévisible dans nos interventions. Se trouver des alliés dans l’encadrement de l’enfant peut aussi être utile : titulaire, TES, direction, etc. Il faut garder à l’esprit le bagage du petit qui agit sur son comportement. Ça n’excuse pas ses gestes et ses écarts, mais ça les explique en partie.
Et surtout, il faut rester conscient des facteurs humains qui peuvent influencer nos propres interventions, comme par exemple la fatigue. Lorsqu’on a beaucoup à gérer et que l’on se sent surmené-e, on peut avoir une vision biaisée de la situation. Il est normal que ça nous arrive, nous sommes humains après tout. En gardent l’esprit ouvert sur ce phénomène, on peut prendre nos décisions en toute connaissance de cause. Exemple : « J’ai vraiment une semaine chargée, je suis un peu à fleur de peau et son comportement m’a mis-e en colère ; je crois que j’ai besoin d’une tierce personne pour m’aider à voir la situation d’un œil neuf. »
En conclusion
La gestion de classe est un volet tellement important de notre métier qu’il vaut la peine de prendre un moment de réflexion pour établir nos stratégies.
J’espère que ces pistes vous auront été utiles. SVP n’hésitez pas à nous partager vos trucs en laissant un commentaire au bas de cet article ; votre contribution pourra très certainement être utile à d’autres.
Le bonheur dans tout cela, si vous êtes spécialiste en langue seconde, en arts ou en éducation physique, et que vous enseigne à tous les niveaux, c’est que si vous gardez la (les) même(s) école(s) d’une année à l’autre, cela deviendra de plus en plus facile.
Vous aurez l’avantage de côtoyer les mêmes élèves année après année. Vous les verrez grandir de près et même si c’est plus compliqué avec certains cocos, une relation se construira entre vous, ce qui fait qu’ils seront plus enclin à vous suivre. Votre enseignement sera plus fluide et vous pourriez même vous permettre quelques écarts de rigolade avec certains groupes, sachant que vous pourrez les ramener sans problèmes ! Ça, c’est l’un des plus grands plaisir de notre métier !
Quelques ressources
Promouvoir les comportements positifs des étudiants par une gestion de classe efficace (Article publié sur le site de l’Université du Québec)
Pour une gestion efficace des comportements auprès des élèves en difficulté (TA@l’école, Learning Disabilities Association of Ontario (LDAO) )
Outils de gestion de classe sur le TNI (RÉseau axé sur le développement des Compétences des élèves par l’Intégration des Technologies – RÉCIT)
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